La musique de Ublot est un bien rare et précieux comme la possibilité d’accéder à des mondes qui ne se côtoient pas, des domaines qui échappent, comme l’harmonie entre le maritime et le terrestre, lorsque la dimension de ce qui nous est intérieur entrevoit l’espace qui nous environne.

La métaphore du (h)ublot – sans h pour des raisons aussi bien esthétiques que pratiques – fenêtre vers l’extérieur d’où nous parvient, vision plus intime, l’agitation du monde, propose une parenthèse magique
» Entre le ciel et l’eau qui protègent » (J.-M. Prével).
Clément Ternisien explique le choix de ce nom en référence à une autre métaphore, celle du Scaphandre et le papillon, expérience durant laquelle le personnage se retrouve, en raison d’une maladie neurologique, enfermé dans son propre corps, et n’a pour seul moyen de communication avec l’extérieur que le clignement de l’œil.
Ce regard sur la réalité rappelle également toute l’imagerie picturale de fenêtres ouvertes sur un paysage, parfois état d’âme.
« Ce terme allait bien avec toute une série de questionnements existentiels et métaphysiques qui traversent mon rapport à l’art. »
Cet espace de l’entre-deux, on le retrouve également dans l’univers musical d’un groupe qui se définit comme « hybride ».En raison, sans doute, de la large palette que nous donne à entendre Ublot allant de la valse-musette au rock fusion-métal ; ou encore aux inspirations revendiquées telles les musiques de l’Est, le métal et « beaucoup de Hip-hop » pour Clément, à l’accordéon et à la guitare, ou la musique classique et le rock instrumental pour Marie, au violoncelle.
Elle ajoute : « En travaillant comme documentaliste au Musée des Instruments de Céret, j’ai eu la possibilité de m’ouvrir sur les Musiques du monde. Ça m’a beaucoup nourri. »
Tout cela peut sembler, à première vue, « partir un peu dans tous les sens » mais le groupe conserve « une identité forte » avec une « dynamique » qui lui est propre. D’autant que Clément voit une énergie nouvelle se créer avec l’arrivée de la batterie, notamment, à la place du beat-electro présent dans la formation initiale. On retrouve donc aux côtés de Clément et de Marie Grollier, Nazim Moulay, à la batterie, membre actif du groupe Les Madeleines, mais aussi, à la clarinette, Tony Erdal, que vous avez sans doute remarqué au sein des Paradaïka
.http://www.le-galetas-salvagnac.com/galerie_ublot.html
Clément précise : « Depuis un an, le groupe a pris une nouvelle tournure avec l’arrivée de ces deux musiciens…Ce qui est rassurant, c’est que, lors des concerts, on a exactement les mêmes retours qu’auparavant. »

Un véritable fil rouge que tisse le groupe et que l’on retrouvera, sans doute, dans leur second album, en gestation pour décembre 2020. C’est un voyage que propose la musique d’Ublot autour d’une base, somme toute traditionnelle, violoncelle-accordéon, où le groupe aborde des univers variés, flirtant parfois avec l’électro, du fait de l’intégration de sons pré-enregistrés, pouvant aller jusqu’à la distorsion.
https://soundcloud.com/projet-ublot/albums
Seulement, Ublot conserve ce caractère profondément humain grâce à un travail sur la voix, ou plutôt sur les voix, qui touche et nourrit l’imaginaire.
Ainsi, sur certains morceaux, on recourt à la scansion avec Clément, qui a conservé l’apport de Mickaël Filler, ancien membre du groupe, qui appréciait tout particulièrement ce domaine du spoken word.
En effet, ce dernier retrouve dans la table de nuit de son grand-père, telle une bouteille à la mer, des textes du poète méconnu Jacques-Marie Prével qu’il décide d’intégrer à la musique d‘Ublot. Prével, jeune poète originaire du Havre mort de la tuberculose à 36 ans seulement, est surtout connu pour avoir côtoyé les dernières années de sa vie, Antonin Artaud ; il tirera d’ailleurs, de ces entrevues, un journal intitulé En compagnie d’Antonin Artaud .
Clément explique : « On s’est permis de garder les textes car ça fait partie de l’histoire d’Ublot. » A cela va s’ajouter des textes de Clément lui-même qui s’est pris au goût d’écrire.
« J’avais envie de m’initier à l’écriture. Et je travaille sur ma timidité pour pouvoir déclamer tout ça lors des concerts. Je pratique l’écriture intuitive, je laisse parler mon inconscient. Souvent le texte prend son sens au fur et à mesure par un travail de reformulation. »
Comme dans le titre « La colère », où la voix intervient comme
« le surgissement saccadé de je ne sais quelle sourde et sauvage mélopée. » (J.-M. Prevel)
https://www.youtube.com/c/ublot
Marie utilise également la voix mais davantage comme un matériau, un véritable objet instrumental soit en employant le chant soit en se servant d’onomatopées.
Bien évidemment tout ceci appelle à être mis en valeur en studio. Cependant, l’apport du live est non négligeable, il permet au groupe d’envisager sa musique comme autant de performances possibles que ce soit par le biais du visuel ou en prenant appui sur des prestations chorégraphiées. On retrouve cette dimension-là dans le clip « Le Marin » avec devant la caméra la danseuse Delphine Gatonas et pour ce qui est de l’univers graphique la performeuse Barbara Friedman.
Pour finir, citons la parole du grand Antonin Artaud qui aimait à secouer les esprits chagrins :
« Le devoir
De l’écrivain, du poète
N’est pas d’aller s’enfermer lâchement dans un texte, un livre, une revue dont il ne sortira plus jamais
Mais au contraire de sortir,
Dehors,
Pour secouer,
Pour attaquer,
L’esprit public »